La critique du roman canon de Timothy Zahn, publié chez Pocket
Ah, celui-là, je l'attendais avec fébrilité, depuis cette conférence à Celebration Londres où il a été annoncé (j'étais comme un dingue dans mon fauteuil !). Je ne vais pas faire durer le suspense : la qualité fut à la hauteur de l'attente.
Quel plaisir de retrouver un des meilleurs méchants de la saga Star Wars dans ce récit canon. Et de le retrouver à l'identique, le meilleur stratège de toute l'histoire impériale, analysant l'art des civilisations pour piéger ses ennemis par des stratagèmes plus ingénieux les uns que les autres, et gardant son sang-froid en toutes circonstances.
On suit ici l'ascension fulgurante de Thrawn depuis qu'il a été "trouvé" par l'Empire, dans une série de batailles (assez mineures dans l'histoire de la galaxie) contre ce qui n'est pas encore devenu l'Alliance Rebelle. On se heurte dans ce roman au racisme (enfin plutôt au spécisme) impérial et au jeu d'échec entre les dirigeants de l'Empire, tous plus égocentriques les uns que les autres, et on découvre comment, grâce à son seul mérite, et sans aucune manigance politicienne, un non-humain a pu se hisser au plus haut rang de la Marine militaire. Thrawn apparaît d'ailleurs comme un "alien" dans cet univers politique autant par sa droiture que par sa couleur de peau.
On y découvre aussi son antithèse, dans le personnage machiavélique d'Arihnda Pryce, que l'on a découverte à ses côté dans la série Rebels, et qui prend toute son épaisseur dans ce roman. Si on s'identifie facilement à elle en début d'histoire, le monstre manipulateur et prêt à tout qu'elle devient de chapitre en chapitre ferait presque d'elle le vrai méchant de l'histoire. Parallèlement à la carrière militaire de Thrawn, on suit son ascension politique jusqu'au rang de gouverneur de Lothal, et cette carrière va croiser celle de Thrawn à différentes reprises, sans pour autant que les deux soient étroitement imbriquées... du moins jusqu'à la fin du roman, qui semble s'enchaîner directement avec la saison 3 de Star Wars Rebels. Son histoire nous montre donc une facette différente et complémentaire du fonctionnement de l'Empire, dans lequel on peut monter soit par les victoires, soit par les trahisons. Un personnage bien plus intéressant que celui, assez fade, de la série animée.
Le dernier personnage principal de ce roman, Eli Vanto, est l'assistant de Thrawn et fait donc office de nouveau Pellaeon. C'est à la fois un faire-valoir pour le Chiss, mais aussi son poulain, sa loyauté et sa sympathie nous permettent de nous identifier immédiatement à lui et nous plongent dans l'histoire.
Parlons un peu du style de Zahn, à présent. L'esprit brillant de Thrawn est indissociable de celui de son auteur, qui imagine toutes ces stratagèmes qui nous étonnent à chaque fois. J'ai vraiment été heureux de retrouver l'un des meilleurs auteurs de la saga Légendes, les 600 pages se lisent très vite tellement l'histoire est palpitante et le style fluide. L'histoire est construite comme un feuilleton, où chaque chapitre relate une des batailles de Thrawn (ou de Pryce), reliées toutefois par un fil rouge : la traque du mystérieux Nightswan et le jeu du chat et de la souris auquel les deux antagonistes jouent.
Le talent de Zahn réside également dans le récit subjectif, où l'on est dans l'esprit non pas du Chiss, mais de son assistant Eli Vanto... et finalement c'est là le véritable rôle d'Eli : c'est à lui que l'on s'identifie, ce qui nous permet de découvrir les stratégies de Thrawn au fur et à mesure, et de nous étonner, puisqu'on ne sait que ce que sait l'assistant... et que son supérieur ne lui explique jamais tout son plan.
Pour finir, ce roman fait, comme la plupart des romans du nouveau canon, le lien entre les différents médias de la saga, à savoir les séries The Clone Wars et Rebels (à travers les personnages de Yularen et Pryce), les films Un Nouvel Espoir et Rogue One, et le roman Catalyseur, à travers la construction de l'Etoile de la Mort et la prise de contrôle de toutes les exploitations minières par l'Empire...